Aider les démunis en temps de crise
Hélène Jolicoeur dirige la Cuisine collective de la région de Matane depuis quatre ans. En raison de la COVID-19, elle et son équipe ont eu à s’adapter pour continuer à fournir de l’aide alimentaire aux gens dans le besoin. Les intervenants ont redoublé d’efforts pour répondre aux demandes sans cesse croissantes de dépannage alimentaire. Ils ont eu l’aide du Fonds d’urgence de Centraide Bas-Saint-Laurent pour poursuivre leur mission. Regard sur une femme engagée auprès de sa communauté.
Ce n’est pas de gaieté de coeur que la directrice de la Cuisine collective de Matane a dû se résoudre à mettre un terme aux repas communautaires du vendredi. Les Dîners de l’amitié offraient un repas complet à prix modique à plus d’une centaine de personnes chaque semaine. Les aînés y étaient nombreux, en quête de contacts humains pour briser l’isolement.
Alors que la crise qui sévit les isole plus que jamais, Hélène Jolicoeur est bien consciente du vide créé. « Les gens sont déçus que les dîners soient interrompus et ils ont hâte que ça recommence. Ils nous disent que ça leur manque, surtout les personnes âgées qui sont seules. »
Une pause pour les ateliers de cuisine
Les ateliers de cuisine aussi ont été arrêtés à la fin mars, alors qu’ils constituent l’activité principale de l’organisme. Plus de 150 personnes y participaient chaque mois, que ce soit à Matane où dans les six points de service situés dans les différents villages de la MRC de la Matanie. En petits groupes, les participants cuisinent de bons petits plats qu’ils ramènent à la maison, en plus des denrées supplémentaires qu’on leur donne.
Alors que les ateliers de cuisine sont ouverts à tous et n’ont aucun critère de sélection, la majorité des gens qui les fréquentent sont seuls et doivent composer avec de faibles revenus. La plupart ont des emplois précaires ou vivent de l’aide sociale. Les repas cuisinés en bonne compagnie leur permettent de se nourrir, de briser l’isolement et de créer des liens.
Hausse des demandes de dépannage alimentaire
Malgré la fermeture de certains services, Hélène Jolicoeur et son équipe ne chôment pas. Les demandes de dépannages alimentaires ont augmenté de 50% depuis le début de la pandémie. Avant la crise, l’organisme aidait une quarantaine de familles chaque mois, aujourd’hui, c’est une soixantaine qui font appel à ses services.
« Les gens viennent chercher leur panier de dépannage à la Cuisine. Ils nous disent qu’ils sont contents d’avoir notre soutien, mais en même temps, ils ont une certaine pudeur. Pour plusieurs, c’est la première fois qu’ils appellent chez nous. Avant la COVID-19, des gens nous donnaient des denrées. Maintenant, ces mêmes personnes nous en demandent. Ce n’est pas anodin de demander de l’aide alimentaire. Notre plus grand défi, c’est que les gens osent demander de l’aide. »
« C’est réconfortant, le Fonds d’urgence de Centraide »
Qui dit hausse des demandes dit hausse des coûts. La directrice a fait une demande pour obtenir le soutien du Fonds d’urgence de Centraide Bas-Saint-Laurent. Finalement, l’aide a été accordée et son organisme a reçu près de neuf mille dollars, une nouvelle qu’elle a accueillie avec bonheur.
« Ç’a été très simple et ils ont compris notre besoin. Nous n’aurons plus besoin de nous casser la tête pour trouver les sous. C’est réconfortant, le Fonds d’urgence de Centraide. On se sent choyé et entouré de beaucoup de bienveillance. »
Le coup de pouce financier de Centraide permettra à l’organisme de maintenir les services de l’employée qui s’occupe de la transformation alimentaire. Son rôle, c’est de cuisiner les denrées récupérées des épiceries, avec la cuisinière en chef. Comme leur durée de conservation est très limitée, elles en font de bons petits plats qui sont ajoutés aux paniers de dépannages alimentaires. Elle participe aussi à l’assemblage et à la remise des dépannages alimentaires avec le reste de l’équipe.
« Si nous n’avions pas eu l’aide du Fonds d’urgence, il aurait fallu chercher par tous les moyens possibles pour trouver l’argent pour garder cette ressource. Ça nous aurait mis un stress supplémentaire. Ça nous permet de nous centrer sur notre mission au lieu de chercher du financement. »
De belles histoires d’entraide
Même si le coronavirus amène son lot de contraintes et de tracas aux organismes, il y a aussi de belles histoires d’entraide qui émergent. La Cuisine collective a pu compter sur l’aide précieuse des restaurateurs et des gens d’affaires de la région. Les cafétérias du Cégep et de la Polyvalente de Matane, ainsi que celle du centre de ski leur ont remis des denrées lorsqu’elles ont fermé leurs portes. Même scénario pour les cantines du centre sportif et le Restaurant-Bar le 21.
Et que dire de l’offre chocolatée du magasin Hart lors de sa fermeture, juste avant Pâques. L’organisme a reçu 800 chocolats. « J’ai dit wow! On s’est reviré de bord rapidement, on s’est organisé avec d’autres organismes et des HLM et on a fait la distribution des chocolats dans les rues de Matane avec des mascottes. Ça nous a donné deux jours d’ouvrage supplémentaire, mais ce sont des sourires que nous avons vus apparaître sur les visages des gens. »
L’après COVID-19
Hélène Jolicoeur fait tout ce qu’elle peut pour s’assurer que l’organisme qu’elle dirige offre le soutien nécessaire aux personnes vulnérables. Elle se prépare déjà pour l’après Covid-19.
« On appréhende le moment où les mesures d’aide financière du gouvernement fédéral ne seront plus là et lorsque les allégements de paiement ne feront plus partie de la donne. Un jour, il faut payer. Au courant de l’été, les gens auront encore plus besoin de notre aide. On est prêt. »
Des plages horaires pour le dépannage alimentaire ont été ajoutées et des réserves sont en place pour répondre à la hausse subite des demandes de denrées. « On se prépare à cette réalité même si on navigue dans l’inconnu. On essaie d’être prévoyant et organisé. »
Il y a aussi le projet de relocalisation, mis sur la glace en raison de la pandémie, qui reste à régler. L’organisme est à l’étroit dans ses locaux de la rue de la Fabrique à Matane, en plus du problème d’accessibilité puisqu’ils sont situés au deuxième étage d’un vieil immeuble. La directrice est confiante de trouver le bon endroit. Plusieurs possibilités sont sur la table.
D’ici là, elle a du pain sur la planche. La belle solidarité qu’elle a sentie au cours des dernières semaines lui donne des ailes pour continuer. « Il y a une forme d’entraide qui s’est créée, une forme de bienveillance au sein de la population. Cette vague de soutien, on aimerait que ça éveille les consciences à plus long terme sur la sécurité alimentaire. » On en a envie d’y croire nous aussi.