Offrir bien plus que des denrées
La crise sociale que nous traversons a des impacts bien réels dans la vie des personnes vulnérables. Certains ont peur de ne plus pouvoir assurer leurs besoins de base, comme se nourrir. Heureusement, il y a des gens comme Mireille Lizotte. La directrice générale de Moisson Kamouraska met tout en oeuvre pour qu’ils aient accès aux denrées dont ils besoin. Son rôle va bien au-delà de l’aide alimentaire à fournir. Chaque jour, elle met son chapeau d’intervenante pour écouter et rassurer les gens dans le besoin. Portrait d’une femme qui prend son rôle à coeur.
Le téléphone ne dérougit pas chez Moisson Kamouraska et les demandes d’aide alimentaire ne cessent d’augmenter. En quelques jours seulement, une soixantaine de personnes se sont ajoutées à la liste pour obtenir du dépannage alimentaire.
En plus d’offrir une aide directe aux démunis, l’organisme fourni aussi des denrées à 26 organismes communautaires, répartis dans six MRC du Bas-Saint-Laurent. En raison de la pandémie, plusieurs organismes ont dû fermer leurs portes, faute de bénévoles. Les clientèles orphelines se sont donc tournées vers Moisson Kamouraska.
Mireille Lizotte est bien consciente de l’importance du rôle qu’elle a à jouer pour venir en aide aux personnes vulnérables qui sont durement touchées. « Nous sommes en contact avec les organismes que nous desservons pour connaître leurs besoins. Nous faisons aussi régulièrement l’inventaire de tous les organismes qui ferment leurs portes. Nous demandons aux gens qui perdent leur emploi de communiquer avec nous pour obtenir une aide d’urgence. Je passe donc beaucoup de temps au téléphone. »
Une oreille attentive
Elle prend aussi le temps d’écouter les personnes qui vivent des moments d’angoisse. « Nous ne sommes pas une ligne d’écoute, mais les gens nous font confiance. Ils me racontent ce qui leur arrive et je prends le temps de les rassurer. » Il y a des appels qui sont particulièrement émouvants. « Il y a une jeune maman qui pleurait quand je lui ai dit qu’on allait lui donner trois pintes de lait. Elle ne savait pas comment elle allait faire pour nourrir son bébé. »
La directrice générale l’admet d’emblée, elle n’a pas de mots magiques pour rassurer les gens. Il suffit de leur faire sentir qu’ils sont écoutés et entendus. « Je leur dis que je vais être là pour eux, qu’ils peuvent venir me voir, que nous avons des denrées pour eux et ça les soulage. » Elle doit parfois composer avec des gens qui ont des problèmes de santé mentale. « J’ai parlé à une dame en pleurs pendant une demi-heure. Je lui ai dit qu’elle pouvait aussi appeler à l’organisme La Traversée. J’ai même appelé l’organisme pour leur dire si elle ne vous appelle pas, appelez-la. Vous savez, on se serre les coudes au Kamouraska. »
Un travail d’équipe
Heureusement, Mireille Lizotte n’est pas seule pour répondre aux demandes. Elle peut compter sur une équipe d’employés et de gens dévoués. Depuis quelques jours, une vingtaine de bénévoles ont cogné à sa porte pour offrir leur aide.
Elle tient aussi à saluer les initiatives de nombreux partenaires. Forcés de fermer, la Polyvalente et le Cégep de La Pocatière ont fait don de leurs denrées. « L’aide que nous recevons est exceptionnelle. Nous avons mis en place des stratégies qui nous permettent de recueillir rapidement les denrées des commerces et des établissements qui ferment. Nous voulons complètement éliminer le gaspillage alimentaire. »
Tout le monde met la main à la pâte pour éviter qu’il y ait des ruptures de services. La directrice générale cite l’exemple de Saint-Pascal, où un organisme d’aide alimentaire a dû fermer ses portes. « Nous avons mis sur pied une navette pour leur acheminer des denrées. Nous avons un bénévole qui assure le transport. Il ne fait pas que les livraisons. Il prend soin des gens et s’assure qu’ils vont bien puisque certains bénéficiaires sont seuls, sans famille et sans Internet. » Au cours des prochaines semaines, un accompagnateur du milieu communautaire sera à ses côtés pour l’épauler dans ses interventions.
Besoins de denrées et d’argent
Encore une fois, Moisson Kamouraska fait appel à la générosité de la population pour faire face à la crise. Les dons en denrées sont les bienvenus. Pâtes alimentaires, céréales, farine, produits de base, produits d’hygiène, couches pour bébés, les besoins sont grands. Les dons en argent sont aussi bien accueillis. Ils permettent d’acheter des produits frais tels les fruits, les légumes, le lait, les oeufs et la viande.
Pour le moment, les bénévoles sont assez nombreux. « Nous avons une belle liste pour l’instant. On va voir au jour le jour comment les besoins seront grands. » Mais la donne pourrait changer puisqu’elle s’attend à un pic des demandes au cours des prochaines semaines.
L’aide de Centraide bénéfique
Mireille Lizotte tient à souligner l’initiative de Centraide Bas-Saint-Laurent qui a mis sur pied un Fonds d’urgence pour aider les organismes communautaires à faire face à la crise. « C’est une excellente idée, on ne peut pas dire non à ça. Centraide est une force invisible et un formidable levier qui arrive à nous propulser plus haut. » Centraide soutient financièrement Moisson Kamouraska depuis plusieurs années déjà.
L’aide du gouvernement sera aussi bienvenue. Québec a mis sur pied un plan d’aide pour permettre aux organismes d’acheter des denrées et trouver des solutions pour remplacer les bénévoles aînés qui ont déserté les milieux communautaires pour se protéger du coronavirus.
La directrice générale salue aussi les dons en argent des Sociétés d’État comme Loto-Québec et la SAQ. « Ça nous fait un ouf de soulagement, mais on ne sait pas combien de temps ça va durer. »
Le visage de la pauvreté change
La crise que l’on vit va changer le visage de la pauvreté, selon Mireille Lizotte. Il n’y a qu’à penser à tous ces gens qui risquent de perdre leur emploi au cours des prochaines semaines ou des prochains mois.
« Il y a des gens qui gagnent de gros salaires qui se retrouvent sans emploi et qui me disent qu’ils ont honte de faire appel à nos services. Je leur fais comprendre que c’est comme aller à l’hôpital quand ils sont malades. Il n’y a pas de honte à avoir pour obtenir de l’aide. Il y a plus de gens qui vont connaître les banques alimentaires et il y aura moins de préjugés face à cette aide. »
Quand on lui demande comment elle entrevoit l’avenir pour Moisson Kamouraska et les autres organismes communautaires du Bas-Saint-Laurent, elle refuse de se laisser abattre. Elle pose un regard réaliste et empreint de positivisme. « On ne manquera pas d’ouvrage, c’est certain. Pas seulement pour les banques alimentaires, pour les organismes qui oeuvrent en santé mentale et les Maisons de la famille aussi. Il va falloir qu’on se relève les manches. On va tous travailler ensemble pour se relever. »
On sent toute la détermination du monde dans ses propos et ça nous donne envie d’y croire. En ces temps de pandémie et d’isolement, voir quelqu’un se démener ainsi pour les plus démunis de notre communauté, ça fait du bien.