Vivre avec la maladie mentale
Pierre Vaillant a connu des épisodes de grande détresse au cours des trois dernières années. Des problèmes de santé mentale l’ont amené à avoir des idées noires. Il a retrouvé ses repères grâce à la Bouffée d’air du KRTB, un organisme que nous soutenons. Voici l’histoire d’un homme qui a appris à composer avec ses démons.
À l’aube de la soixantaine, Pierre Vaillant est fraîchement retraité, après avoir oeuvré pendant 37 ans comme machiniste. Il a vécu une véritable tempête intérieure il y a quelques années. Tout a commencé lors de sa rupture avec sa conjointe des dix-huit dernières années.
« Ça m’a donné un coup à l’intérieur de moi. Je suis parti sur un hight et j’ai décidé de me lancer en affaires. Mais je n’avais pas les bonnes personnes autour de moi pour réaliser ce projet et je n’allais vraiment pas bien. »
Des crises d’angoisse et des idées noires
Pierre commence alors à faire des crises d’angoisse. Puis ce sont les épisodes dépressifs qui s’enchaînent. « Je faisais de grosses crises d’anxiété. J’avais aussi un toc sévère, avec des pensées suicidaires qui ne s’arrêtaient pas et je m’automutilais. À un moment, j’avais cinquante coups de couteau sur l’estomac que je m’étais fait moi-même. »
Entre 2017 et 2019, il est hospitalisé en psychiatrie à trois reprises pour une période de plus de deux mois chaque fois. Puis le diagnostic tombe. Il souffre d’un trouble schizo-affectif qui se caractérise par la présence de symptômes liés à l’humeur, ce qui explique ses dépressions multiples et ses manies compulsives.
La Bouffée d’air, son repère
À bout de souffle, sans repères et sans le sou, Pierre n’a plus d’endroit où aller à sa sortie de l’hôpital. C’est à ce moment qu’il frappe à la porte de la maison d’hébergement la Bouffée d’air du KRTB, le 22 mai 2019. Il s’en souvient comme si c’était hier. « J’étais dans la rue, je n’avais plus de source de revenus depuis dix mois et j’avais quitté ma conjointe. »
C’est dans la grande demeure ancestrale de la rue du Domaine, à Rivière-du-Loup, qu’il entame son processus de guérison. « Au début, j’étais encore en crise, je pleurais tous les jours, je voulais m’enlever la vie, faire comme Dédé Fortin. Je discutais avec les intervenants et ça m’apaisait de voir qu’ils étaient très humains. Ils m’ont toujours écouté, sans jamais me juger. Ils me donnaient des outils pour aller mieux, comme des techniques de respiration et de méditation. »
Depuis plus de trente ans, l’organisme offre un toit aux personnes comme Pierre qui souffrent de problèmes de santé mentale. Le milieu de vie peut héberger une dizaine de personnes dans les neuf chambres de la maison ancestrale.
« Ils m’offraient l’hébergement et l’épicerie puisque je n’étais même pas capable de payer les 10$ qu’on devait payer chaque jour. Ils ne m’ont jamais achalé avec ça. En moyenne, les gens demeurent de quelques jours à quelques mois. Ils m’ont gardé pendant dix mois. »
Accepter sa maladie
Le plus dur pour le cinquantenaire, c’est d’accepter sa maladie. « À la Bouffée d’air, il y avait un cadre qui montrait un itinérant, mais c’est une image que je n’étais pas capable de regarder parce que ça me faisait peur. Je me suis presque rendu là, dormir sur un banc de parc. J’ai toujours très bien gagné ma vie. Que le train déraille comme ça, c’est dur à accepter. »
Au fil des jours, Pierre prend du mieux. Il apprécie le bon temps qu’il passe avec ses colocataires du moment et les intervenants de son nouveau milieu de vie.
« Je cuisinais des repas pour les autres locataires et les intervenants. On s’asseyait autour de la table et on mangeait tous ensemble. Je me suis fait une bonne amie de fille aussi, qui a vécu des choses semblables à moi. On s’entraidait. »
Voler de ses propres ailes
Au bout de dix mois, il se sent prêt à quitter son havre de paix pour voler de ses propres ailes. « Les intervenants et la directrice, Hélène Chabot, ils veulent tellement que ça fonctionne. Ces gens-là travaillent avec leur coeur. On sent une telle énergie quand on entre dans cette maison, on sent un tel réconfort. C’était vraiment un beau séjour que j’y ai passé, je n’ai que de bons mots à propos de la Bouffée d’air. »
S’il n’avait pas eu cette ressource, Pierre se demande ce qui lui serait arrivé. Sans conjointe ni enfants, avec sa famille qui habite la région de Montréal, il était bien seul. « Si la Bouffée d’air n’avait pas été là, j’aurais été vraiment mal pris, je serais tombé encore plus bas. »
Vivre le moment présent
Aujourd’hui, Pierre mène une vie tranquille, dans son petit logement de Rivière-du-Loup, avec vue sur le fleuve. Il se dit heureux, même s’il doit encore composer avec sa maladie mentale. « Ça va beaucoup mieux qu’il y a deux ans. Mon toc est toujours présent en ce qui concerne mes idées suicidaires, mais j’ai appris à vivre avec. Je sais que ce sont que des idées, je ne passerai pas à l’acte. Je dois continuer de prendre ma médication. »
Il occupe ses temps libres en allant faire son tour à la Bouffée d’air pour faire de menus travaux. Il espère redonner un peu de ce qu’il a reçu et il en profite pour prendre des nouvelles de son monde. « Je vais leur faire des petits coucous des fois aux intervenants. S’ils ont un bris, je leur dis de m’appeler à n’importe quelle heure, je vais y aller.
Le soutien de Centraide
Chaque jour, Pierre Vaillant remercie le ciel d’avoir trouvé l’aide dont il avait besoin, au moment le plus sombre de sa vie. Pour lui, la Bouffée d’air est une ressource nécessaire et le soutien de Centraide l’est tout autant.
« Il y en a juste un organisme comme ça dans le KRTB, il est essentiel. Grâce à cet organisme, on peut désengorger la psychiatrie à l’hôpital. Des cas comme le mien il y en a beaucoup. Ça sauve des vies, en tout cas, moi, ça m’a sauvé. »