Toute entreprise qui poursuit ses opérations au détriment d’une société forte et inclusive se condamne à un succès illusoire et ultimement temporaire. Ce constat, je le fais grâce à l’expérience que j’ai accumulée au fil des ans, et je ne suis pas seule à le faire.

Depuis le début des années 2000, le débat et les enjeux de responsabilité sociale se sont bien installés dans les salles de conseils d’administration. En 2005, 360 résolutions constitutives sur la responsabilité sociale ont été adoptées par les conseils de grandes entreprises américaines (Michael E. Porter, Mark R. Karmer – HBS). Ce n’était que le début. En 2019, il s’agit d’un fondement stratégique inclus aux plans de développement des organisations.

Au sein des multinationales, quatre modèles sont généralement utilisés pour aborder la responsabilité sociale des entreprises : l’obligation morale, la viabilité durable, la « licence d’opération » et la réputation. Évidemment, un article à lui seul vaudrait la peine d’être écrit sur ces quatre aspects, et des experts le font beaucoup mieux que moi. Mais laissez-moi vous donner quelques exemples pour illustrer brièvement de quoi il en retourne.


(Sur les photos de gauche à droite: Ville de Rimouski, UQAR, Pépinière Luceville et CRFC Rimouski)

L’obligation morale concerne la responsabilité d’opérer de façon transparente par exemple, lors de transactions financières ou lors d’impartition (outsourcing) de main-d’œuvre vers des pays en développement.

La viabilité durable réfère à la préservation des ressources, qu’elles soient naturelles, humaines ou financières, et à notre volonté d’en faire une utilisation responsable.

La « licence d’opération » est quant à elle très pragmatique. Elle concerne la capacité de compromission des organisations qui se butent à des groupes de pression, à la volonté des actionnaires et des clients ou encore à une réglementation.

Finalement, la réputation touche la force d’une marque et sa capacité d’attraction.

Ces quatre modèles partagent la même faiblesse : ils laissent entendre que l’implication sociale d’une organisation ne peut être compatible à son modèle d’affaires. Il faut plutôt faire la réflexion inverse, et prendre le tout dans son ensemble : l’entreprise et la communauté.

Qu’en est-il de cet enjeu chez nous, et comment se positionne notre communauté d’affaires locale? Celle-ci a compris que la véritable intégration des organisations dans leur communauté passe par leur lutte aux inégalités sociales, à la pauvreté et à l’exclusion ici, chez nous. C’est la base.

J’ai la chance et le privilège d’être aux premières loges de ces réflexions avec les dirigeants d’affaires et d’organisations de notre région grâce à mon rôle de VP au développement philanthropique chez Centraide. Sept cents entreprises et organisations de toutes tailles sont partenaires avec nous pour structurer et s’assurer d’avoir un impact efficace et profond sur la lutte aux inégalités sociales, à la pauvreté et à l’exclusion dans notre communauté.

Ce que j’ai vu depuis les deux dernières années auprès d’eux, c’est une volonté de voir leur responsabilité sociale se définir, et cela s’étend bien au-delà des CA et des comités de direction. Ça s’applique également à tous les employés mobilisés des entreprises, qui voient bien au-delà d’une éventuelle divergence apparente entre l’investissement en philanthropie et le rendement organisationnel.


(Sur les photos de gauche à droite: Caisse Desjardins de Rimouski, Institut Maurice Lamontagne (Pêches et Océans Canada), Bombardier et CISSS du Bas-Saint-Laurent)

Le fondement même d’un partenariat avec Centraide tient au fait que d’investir socialement est payant pour tout le monde. C’est très loin du rapport à la couverture glacée du VP en responsabilité sociale (chief social responsability) qui tente de démontrer que l’entreprise est un bon citoyen corporatif. C’est le fait d’avoir un impact profond et de soutenir un filet social entier pour les personnes plus démunies et dans le besoin de notre région.

Et le processus d’investissement de nos sommes récoltées est fait avec une rigueur hors du commun par des dizaines de bénévoles qui donnent annuellement plus de 50 heures de leur temps pour analyser les demandes. J’ai vu des actuaires, des ingénieurs, des avocats et des pdg de grandes entreprises financières être ébahis en voyant ce processus en œuvre. Avec raison. Centraide Québec et Chaudière-Appalaches a même gagné un prix pour cette rigueur au sein du mouvement canadien Centraide United Way.

Il se passe quelque chose chez nous, parce que nous sommes capables de nous mettre ensemble et faire cette différence de façon croissante depuis les 25 dernières années. Les résultats que nous avons ensemble lors des campagnes le démontrent. Et ce n’est pas le cas partout au Québec ni partout au Canada. Il se passe que notre empathie les uns envers les autres est profonde, mais se démarque aussi par son sérieux et son désir d’avoir un réel impact. Et il se passe que nos dirigeants et dirigeantes comprennent le rôle qu’ils ont à jouer pour que tous les individus de notre communauté soient en mesure de contribuer à notre société. Ça, c’est payant, oui, mais c’est surtout humain.

Je l’ai vu au courant de ma carrière, dans l’ADN même de beaucoup de startups, et je dois vous dire qu’une des plus grandes constatations que j’ai pu faire en côtoyant nos entreprises financières, d’assurances, nos CISSS, nos universités, nos firmes à trois lettres, nos entreprises technologiques en croissance fulgurante, nos grands cabinets-conseils, nos agences gouvernementales, etc., c’est que cette vision est aussi une priorité absolue pour nos grandes organisations.

Nous leur disons 15 101 187 fois merci. Et on recommence déjà pour l’an prochain. Voilà un indicateur clair d’une communauté solide. Et je suis fière d’en faire partie.